Le frisson “CIP”

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Le 12 et 13 janvier 2019, aura lieu au Stade Pierre de Coubertin, le Challenge International de Paris, ou plus simplement appelé “CIP”. Cette épreuve faisant partie de la Coupe du Monde d’Escrime au fleuret hommes sénior est une date phare de l’escrime mondiale et parisienne. Pour le CEFC, il s’agit d’un rendez-vous pédagogique annuel immanquable. Éclairage sur un des plus prestigieux tournoi au monde !

Alessio Foconi affronte Giorgio Avola en 1/2 finale du CIP 2018 (Photo : Michel Escallier, Coubertin 2018)

Depuis 1953, la manche française de la Coupe du Monde de Fleuret se tient à Paris au Stade Pierre de Coubertin. Pour cause de travaux, l’épreuve avait été déplacée, pour l’édition 2013, à la Halle Carpentier. Le tournoi a vu et révélé les plus grands espoirs et les plus beaux talents de la discipline. De Christian D’Oriola, immense figure de l’escrime française, à Alessio Foconi, vainqueur l’an passé, puis champion du monde au fleuret quelques mois plus tard, les allées du stade de la Porte de St-Cloud ont vu défiler les étoiles et les plus fines lames. Souvent transcendés par le jeu “à domicile”, les tricolores s’y sont surpassés, à l’image d’Enzo Lefort (vainqueur en 2014) ou d’Erwan Le Péchoux, victorieux en 2011. L’image de l’entraîneur français de l’époque, Stéphane Marcellin, levant le bras du “petit bonhomme” sous les applaudissements du public, reste un des grands moments de son histoire récente. D’autre champions français ont également brillé à Paris, avant de toucher l’or olympique : Brice Guyart, jeune vainqueur en 2002, atteint l’Olympe à Athènes 2 ans plus tard. Philippe Omnès, double vainqueur (1986 & 1989), est sacré à Barcelone en 1992 avant de signer une ultime victoire en 1994 pour devenir co-recordman de l’épreuve.

Equipe national de fleuret Cuba 1998,Tournée de préparation européenne
Équipe nationale cubaine, 1998. De gauche à droite en haut : Eduardo Jons Aljoe, Rolando Tucker  León, Oscar García Peréz, Elvis Gil Gregory, Javier Garcia (Espagne) Leonel Baccallao. Assis, au premier rang : Raul Perojo Valdes, Eddy Patterson Betancourt (Photo : archives personnelles Eddy Patterson Betancourt)

Épreuve internationale, le CIP a pris pour habitude de parler de nombreuses langues pour féliciter les vainqueurs ! Les transalpins y ont pris leurs aises, surtout depuis 2000 (6 victoires, dont le doublé Andrea Baldini, un des fleurettistes le plus doués des années 2000); les étatsuniens sont devenus les “chouchous” du public d’aujourd’hui. Massialas (vainqueur en 2017) ou encore Race Imboden (double vainqueur en 2015-2016) et leur spectaculaire coéquipier Miles Chamley Watson, assurent désormais le “show”. D’autres “américains” vainqueur entre 1996 et 1999 ont confisqué l’épreuve en leur temps : ce sont les “années cubaines”, dont le point culminant reste le triplé de 1997 (Garcia vaiqueur devant Tucker, Gregory 3ème).

Un, dos, tres : 1. Garcia 2. Tucker 3. Gregory (Photo : Facebook FFE)

Installé en France après avoir porté pendant plus de 10 ans les couleurs cubaines, le CIP a toujours, eu auprès de notre Maître Eddy, une signification particulière. “Le CIP est un tournoi que j’adorais disputer. Les cubains étaient redoutables et redoutés. Oscar (Garcia) et Elvis (Gregory) étaient dans les 5 premiers mondiaux durant ces années… Ma meilleure performance en Coupe du Monde a été un “tableau de 16” (9ème place au final) à Paris. Mes partenaires d’entraînement avaient pris plusieurs fois toutes les places sur le podium, donc, on m’a un peu oublié!“.

Aujourd’hui, de très nombreuses nations sont représentées et les enfants pourront côtoyer de près, dans les allées et les gradins du stade, des athlètes de haut niveau venus du monde entier.

Les escrimeurs les plus titrés à Paris (3 victoires) : Jean Claude Magnan, Roger Closset, Bernard Talvard, Philippe Omnès.

Pour en savoir plus sur l’histoire du CIP, vous pouvez consulter cet article très complet sur le sujet: http://evenementsescrime-ffe.fr/cip/media-centre/histoire-du-cip/

Le tournoi, rebaptisé “Challenge International de Paris” a troqué son intitulé à plusieurs reprises (Challenge Martini, puis brièvement “Brut de Fabergé”). Il a également changé de statut : longtemps classé “Grand Prix FIE” il a été rétrogradé “Coupe du Monde” il y a quelques années. Pourtant, la compétition n’a jamais perdu de son prestige : les meilleurs ne manquent le rendez-vous pour rien au monde; l’organisation sportive est exceptionnelle. Les points attribués pour le classement mondial en individuel, ainsi que l’épreuve par équipes disputée le dimanche donnent à l’ensemble du week-end une saveur particulière. On sent que les athlètes aiment venir en France et particulièrement à Paris ! Le public de la capitale, lui, ne se montre pas toujours à la hauteur : copieusement sifflés l’an passée, l’équipe et les escrimeurs italiens y ont injustement vécu l’enfer. Le champion olympique Daniele Garozzo est allé jusqu’à porter le doigt à son oreille pour la montrer au public, sous les huées des gradins. Il fallait se boucher les oreilles pour ne pas entendre un tel déferlement de chauvinisme – car, sportivement, il n’y avait rien à dire sur l’excellente performance de la “Squadra”

Revivez La finale individuelle du CIP 2018 : à gauche Daniele Garozzo (Italie), champion olympique 2016 à Rio, à droite Alessio Foconi (Italie), champion du monde 2018 à Wuxi.

Au début de l’hiver, les rivalités internationales font souvent monter la température : les matches France-Italie, bien sûr, mais l’on se souvient d’un récent USA-Italie gagné sur le fil par la “Team America” dans une ambiance houleuse entre les tireurs. La grande rivalité entre Elvis Gregory et Serguei Golubitsky, arbitrée par les français, ont marqué les spectateurs les plus attentifs.

Du côté des coulisses, les bénévoles et organisateurs, s’activent pour que tout soit prêt dès le vendredi matin ! La compétition commence aux aurores, au contrôle technique, puis dans sa première phase de poules pour tous les escrimeurs classés au delà de 16ème place du classement mondial FIE. Disputés dans les salles annexes dans des ambiances parfois extraordinaires, ces matches échappent à la “grande” histoire du CIP. Pour certains escrimeurs, passer par les qualifications pour atteindre le tableau final peut constituer le sommet d’une carrière sportive. Pour d’autres, il s’agit d’un chemin de croix et d’un tremplin; ce fut longtemps le cas de notre ami Carlos Llavador, battu lors de la journée des “anonymes”, 15-14 par le Français Jean Paul Tony Helissey en 2015.

Échauffement des athlètes, salle annexe du CIP, Stade de Coubertin (Photo : Michel Escallier, Coubertin 2018)

Aujourd’hui, le tournoi est pour le CEFC une sortie à la fois professionnelle, pédagogique et événementielle. Pour les maître.sse.s, il s’agit de prendre le plus d’informations possibles sur les techniques appliquées au plus haut niveau; Pour nos élèves, il s’agit d’une véritable leçon “live”, un cours grandeur nature. Une fois installés dans les tribunes, les encadrant.e.s du CEFC se proposent ainsi d’approfondir les règles et d’en enseigner les rudiments aux parents des jeunes, (et pourquoi pas susciter certaines vocations!). Entre les assauts, les champions d’escrime, disponibles, sont abordés de manière simple par les enfants et les jeunes. Nous insistons sur le rôle de modèle, technique, mais surtout humain, que les athlètes portent auprès des plus jeunes d’entre nous. Enzo Lefort, Andrea Baldini, par leur classe ou leur simplicité, ou, plus proche des jeunes “franco-cubains”, les instants partagés avec l’international espagnol Carlos Llavador, ont laissé de très grands souvenirs auprès de nos licencié.e.s.
En janvier 2016, la jeune Cécile François, alors parmi les 2 meilleures benjamines de Paris avait eu l’honneur de tirer sur la piste centrale en match de gala ! Les membres du CEFC présent.e.s dans les gradins l’avaient bruyamment et chaleureusement encouragé, créant un nouveau lien, une nouvelle histoire entre l’épreuve et notre club.

Carlos Llavador Fernández (Photo : Rafa de Pazos /For de fun of it)

Cette édition sera l’occasion de revoir et soutenir notre compagnon d’armes Carlos Llavador. Médaillé de bronze aux derniers championnats du monde d’escrime en juillet dernier à Wuxi (Chine), le madrilène se sait attendu. Au cours sa carrière, le jeune homme a eu plusieurs déclics. Le tonnerre d’applaudissement venu de nos rangs après sa superbe victoire 15-14 l’an passé au tableau de 64 contre Francesco Trani, l’avait porté jusqu’au bout. Son passage en septembre dernier, à l’occasion de la Fête du Sport, avait impressionné nos plus petit.e.s et nos jeunes : champion et modeste, performant et généreux, sérieux et souriant. Une telle figure de sportivité porte les valeurs de l’escrime bien au delà des drapeaux et des frontières.

Thomas Fioretti

Crédits photographiques : Michel Escallier (avec son aimable autorisation), Facebook FFE, Rafa de Pazos
Tout sur l’événement, le site dédié à l’épreuve :
http://evenementsescrime-ffe.fr/cip/