Au pied de la montagne

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C’est une équipe soudée, et chargée d’espoir qui a pris la route vers l’Auvergne, samedi 04 janvier 2020, pour aller disputer les qualifications du Circuit Elite du Stade Clermontois. Même après plusieurs années de pratique, il reste toujours aux cadet.te.s du CEFC quelques grands cols à franchir. L’étape centrale en comportait aux moins quelques uns, de première catégorie. Au train, à leur rythme, les franco-cubain retroussent leur manches lorsque la route devient plus raide pour se mettre en danseuse…

l’archerie, la “petite” salle de la grande Maison des Sports de Clermont

Le “tour de France des Cadets” deuxième étape du circuit national M17, après le départ parisien du mois d’octobre dernier, faisait escale en Auvergne, à Clermont-Ferrand. Un long parcours du combattant pour un.e jeune escrimeur.se, qui doit d’abord passer la journée des qualifications de samedi après un départ sous le ciel parisien encore noir et bruineux . Selon où l’on se place, on peut débarquer sur ces tournois tout en sérénité, comme en panique totale. Chacun.e n’a pas toujours le choix : les plus solides cherchent à ne pas y laisser trop de force, sinon la force d’une certaine habitude; les plus novices jouent leur “survie” sur chaque touche comme si c’était la dernière du week-end. Les 70 et les 128 résistant.e.s bissent dimanche, à l’heure où les flâneurs flânent, des aurores jusqu’à la grasse matinée des sportifs du dimanche, les escrimeur.se.s sont à l’échauffement pour disputer le “vrai” circuit : la crème de la crème nationale, l’élite des cadet.te.s du fleuret français, où se côtoient de jeunes escrimeur.ses gaillard.es et sous estimé.e.s, étoiles filantes et futur.e.s champion.ne.s. Ni grand.e.s ni petit.e.s, les 15-16 sont l’âge de tout les possibles, des brillants éclats aux plus amères déceptions, du départ vers d’autres chemins, au firmament international.

Ces abîmes de questions sont encore loin de tourmenter Aida, 13 ans, surclassée samedi, dans tous les sens du terme. Davantage préoccupée par ses états, d’âme et d’arme, que par ses adversaires, elle traverse le tournoi en coup de vent, sans jamais avoir eu l’occasion de réellement lutter contre un autre adversaire qu’elle même. Les mots négatifs se transforment en maux, et il ne suffit pas de répéter verbalement ses insuffisances (puis finalement s’en convaincre !), pour que celles ci disparaissent. Manière paradoxale de conjurer le sort et attendre de soi-même une réaction d’orgueil. La méthode Coué inversée n’est poutant d’aucun secours pour à mettre 5 touches contre de bons adversaires. Après 1 victoire sur toute l’après midi, Aida tentera sa chance contre une Marguerite, qui n’était pas là pour en cueillir. Fleur encore bourgeonnante, la petite Aida est pressée d’éclore. Le printemps et la catégorie M15 lui permettront de retrouver une pente à sa hauteur, à son rythme. Bien plus tard, Aida s’apercevra des bénéfices du petit jardin et de la pépinière du XXème arrondissement, et séchera bien vite les larmes versées dans l’archerie de la Maison des Sports, désertée par les escrimeur.se.s pressés de rentrer à l’hötel ou directement à la maison.

Des trois voyageur.se.s du week-end, c’est de loin Rayan qui avait la tache la plus délicate à accomplir : batailler avec 245 participant.e.s, et passer la volcanique poule du dimanche matin où la qualification se joue parfois à la touche près. Littéralement, puisque c’est pour 1 touche (+ 1 un réveil “double bagel”, deux défaites 5-0 d’emblée) que Rayan ne rentre pas dans le grand tableau de 128. On a souvent dit, ici même sur ce journal, peut être pour se rassurer, mais sans doute aussi par croyance plus profonde, que l’échec d’une entreprise ne se mesure pas toujours à son résultat brut final et chiffré. Qu’une tentative ratée, peut donner envie d’ en entreprendre d’autres qui, elles, vont aboutir. Le célèbre mot de Beckett “Essayer. Rater. Essayer encore. Rater encore” résonnerait-il alors avec l’Hasta La Victoria Siempre, entonné des M9 jusqu’aux grand.e.s licencié.e.s du XXème? Le temps long n’est pas le meilleur ami de celle ou celui qui cherche à toute hâte la victoire, et les imites que met en lumière la vérité de la compétition peut entraîner une forme découragement, ou à l’inverse une habitude à la défaite, une trop grande acceptation de l’échec. Le déclic arrive un jour où les astres sont alignés, où les jambes nous portent, et où la réussite qui nous fuyait alors transforme les semelles de plombs en plumes. Lors de son tableau d’élimination du samedi, il s’est produit un tel “miracle” : l’âne, mené 8-0, s’est soudain transformé en crack d’hippodrome: capable, après une immense réaction d’orgueil, de porter les fameuses 15 touches durant la suite du match (15-10 au final). Dimanche, c’est à nouveau lesté de son propre poids, de la pression et de ses adversaires, qu’il finira par caler et terminer sa course dans le gruppetto (110ème au final, un peu moins bien qu’à Paris).

Davantage encore que pour son camarade, les samedi nationaux sont désormais plus légers pour Cécile. Depuis Narbonne en mai dernier, c’est au sprint qu’elle passe l’obstacle : 6 victoires à Paris en octobre dernier, 5 victoires relativement tranquilles en poules dans la grande halle, ainsi qu’une une large victoire en tableau (15-1), elle gardait toutes ses forces pour le lendemain. Après une courte nuit, sa poule dominicale ressemblerait plutôt à une course de côte, où elle s’est parfois laissé surprendre par les changements de rythme de ses adversaires : larguée sur le plat, alors que terrain était le plus abordable; puis rattrapant son retard, sur des pentes à 15%… Manquant de kilomètres au compteur, son chemin s’arrêtera au tableau de 64, à l’issue d’un match au rythme trop linéaire, sans le grain de folie qui a parfois pimenté certaines de ses performances. Au milieu du milieu, Cécile termine 42ème, place honorable qui peut encore lui permettre d’accrocher le deuxième wagon, pour un ticket vers la première division.

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Rayan Sadli, Thomas Fioretti, Aida Khellaf, Cécile François (06.01.2020)

Après l’élimination des jeunes, difficile pour l’entraîneur de trouver le mot juste pour formaliser l’instant, moi qui suis d’habitude peu avare en causeries et discours rassembleurs. J’en profite tout de même pour réunir les troupes et insiste pour garder un souvenir photographique, défaites et mines déconfites comprises. La route que choisit le CEFC est l’inverse d’une routine, c’est un chemin toujours un peu de travers, de digressions et de gamelles, parfois parsemée de petites victoires et de grandes joies. Au pied de la montagne,, rien ne presse pour aller jusqu’à visiter, un jour, une heure, les cimes. Ces témoignages seront remis en perspective quand viendront les beaux jours, mais aussi les plus sombres; la bonne humeur reprend le dessus au moment de reprendre la route, après la perte d’une bataille, un dimanche de janvier sur l’autoroute.

Thomas Fioretti

Résultats complets du CN U17 Clermont Ferrand : https://www.engarde-service.com/files/stadeclermontoisescrime/cnm172020/

les sourires des compétitrices et compétiteurs après les matches… de samedi.

Remerciements : Didier François pour avoir accompagné le groupe jusqu’en Auvergne et son accompagnement précieux des jeunes M17 du CEFC. Valence Chapellier ainsi que Cyril son papa, pour les moments de camaraderie “parisienne” sur les pistes de la maison des Sports.