Fêtes des Jeunes 2018 : la valeur des médailles

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– Je ne comprends pas, coach… Vous aviez gagné deux médailles d’or. Vous étiez comblé.
– Derice… Gagner une médaille d’or c’est quelque chose de fabuleux. Mais si tu ne vaux rien sans ta médaille, tu ne vaudras pas mieux avec.
– Coach, quand est ce que je saurai, ce que je vaux? 
– Quand tu franchiras la ligne d’arrivée, tu le sauras.”

Cool Runnings (Rasta Rocket, John Turtletaub, 1994)

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Le CEFC était fièrement représenté ce week-end lors de la Fête des Jeunes, épreuve nationale minimes aux 3 armes, organisé par le Cercle d’Escrime d’Henin Beaumont et la Fédération Française d’Escrime à l’Espace François Mitterrand d’Hénin-Beaumont. Les athlètes Cécile François & Rayan Sadli, accompagnés des capitaines de route Maîtres Donatella, Eddy & Thomas sont revenus la tête haute du Nord de la France. Récit de deux journées sportives et humaines mémorables en compagnie des parisien.ne.s.

Le départ des escrimeuses & escrimeurs parisiens se fait vendredi soir, direction le Pas-de-Calais et le stade François Mitterrand, déjà visité par notre délégation pour la répétition générale du mois de mars, la 1/2 finale interzone. La particularité de l’épreuve “Fêtes des Jeunes” est de réunir dans une même compétition les trois armes, filles & garçons, sur un week-end d’une folle intensité. Le samedi, l’escrimeur.se représente les couleurs de son club; le dimanche est dédié à la compétition par équipes : les 4 meilleur.e.s escrimeur.se.s de chaque Ligue d’Escrime sont sélectionné.e.s sur leurs résultats et leur potentiel, pour représenter sa région. Cette année, le CEFC a eu l’honneur d’être doublement convié au banquet : sur les pistes tout d’abord, et ce dans les deux épreuves chez les garçons et chez les filles, en individuel et par équipes, ce qui n’était jusqu’alors jamais arrivé. Cette qualification constitue déjà en soi une performance sportive historique pour le CEFC. L’impact sportif est renforcé cette année par la présence des encadrants, choisis pour guider deux équipes vers le succès : les Maitres Donatella & Eddy, respectivement en charge de l’équipe fleuret garçons Paris 2 (Stanislas Guerrand de Paris TA, Tam Gougault de Paris CEP, Rayan SADLI, CEFC & Sadio Traoré, Paris CEP) et de l’équipe fleuret garçons Paris 1 (Wael Abdeljalil, Paris CEP, Neil Abidi, Paris CEP, Jacob Begley, Paris TA, Nathan Gregori, Paris CEP). J’avais également eu la responsabilité d’encadrer les filles du fleuret Paris 1 à l’épreuve inter-ligue de St Germain-en-Laye, préparatoire à la fête des jeunes (Charlotte Fourier, Paris Stade Français, Cécile FRANÇOIS, CEFC, Suzanne Lenfant-Koenig, Paris CEP, Victoire Marcaillou, Paris TA, emmenées par Maître Vincent Rémy, Paris TA).

Le décor était donc connu d’avance pour la deuxième bataille du Nord. La salle principale avec les pistes podiums et les gradins, comme chez les “grands”, retransmettait un streaming en direct; les annexes, plus ou moins éloignées l’une de l’autre, et l’immense “tennis club”, glacial au mois de mars dernier, étouffant dimanche dernier. Un décor qui cette fois ci, rappellera de mauvaises sensations à Rayan Sadli, défaillant samedi lors de l’épreuve individuelle. Il est une lapalissade de dire que les compétitions se suivent et ne se ressemblent pas. Un lieu est parfois chargé de souvenirs, bons ou mauvais, pour l’athlète -dont l’hypermnésie confine parfois à la superstition. Dans cette arène de tennis aux courts bleutés, Rayan aura tout connu. La froideur d’un dimanche matin sans réussite en mars 2017, la malice et l’audace d’une poule merveilleuse en mars dernier, et à nouveau la terrible tension d’un premier championnat où le stress retient le bras, paralyse les jambes, cloue les envies sur place. Le sport est cruel, et l’on ne peut tous s’empêcher de dire que tout cela est injuste. Rayan qui a si bien travaillé, ne peut ce jour-là se dépasser. Il vit alors un de ces moments de sport où l’enjeu prend le pas sur le jeu, et fait basculer les destins vers des trajectoires contraires. Il ne signe qu’une seule victoire en poule. Insuffisamment libéré lorsqu’il entame le tableau d’élimination directe, il s’avère impuissant à placer ses attaques face aux contres rapide son adversaire Tom Mottion (Bourg ECB), vainqueur 10 touches à 5. 87ème après les poules, Rayan termine à une triste 89ème place, photographie de son niveau du jour, mais peu révélatrice de sa vraie place, et qui dit encore moins du courage, ni du cœur énorme du jeune homme.

Amateur de tennis, je sais que nous sommes en pleine période de Roland-Garros. D’humeur badine, j’imite quelques gestes de tennis et m’amuse avec Cécile avant l’échauffement de son match d’élimination directe. Je me dis qu’Il faut rassurer nos tireurs comme on peut, tendus par l’événement. Maître Eddy, Dona & moi tentons quelques blagues (les plus pourries sont toujours les miennes, n’est-ce pas Rayan?) pour dérider le jeune franco-cubain, sans succès. Auteure d’une poule inhabituellement terne (3 victoires & 3 défaites), Cécile aborde avec une confiance modérée son match de tableau contre la melunaise Daphné Lovera. Revenue, après une entame moyenne, à 7-6, elle cède au final sur le score de 10 à 7. Le sort a décidé de dresser sur sa route, par trois fois lors des échéances décisives, une fleurettiste du Cercle d’Escrime de Melun Val-de-Seine. Trois fois, Cécile est s’est approchée de la victoire. Si loin, si proche, Cécile termine à la 67ème place d’une compétition qui lui a complètement échappée.

Accompagnés de Martine & Didier, les parents de Cécile, ainsi que Claire sa sœur aînée, et Valence Chapellier, escrimeuse des Duellistes venue encourager les copines de Paris-  l’équipe des Maîtres et des athlètes accuse le coup quelques minutes après la défaite. Mais notre discours d’après match se veut re-mobilisateur et optimiste. Nous nous souvenons alors du chemin parcouru, lorsque nos jeunes butaient sur la qualification à cette grande “Fête”. Car il s’agit autant d’un titre de champion de France “officieux” que l’épreuve décerne, qu’une invitation pour les petit.e.s champion.ne.s en herbe. La défaite n’est jamais agréable, mais je rappelle à Cécile & Rayan que celle ci est aussi chimérique que la victoire. Avec ou sans médaille, nos deux brillants espoirs ont franchi la ligne d’arrivée. Nous savons toutes & tous, la valeur qu’il faut accorder à cette histoire.

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Après une bonne nuit de sommeil, les escrimeur.se.s et Maître.sse.s d’armes devaient se relancer. Le bilan des parisien.ne.s était contrasté : Les fleurettistes garçons et sabreuses dames bien placés, mais pas gagnants (4 garçons terminent dans les 16 premiers 5ème, 7ème & 9ème & 13ème, 2 sabreuses dans les 16), une vice championne à l’épée (Chloé Ossart, du PUC) et le fleuret dames en déroute (aucune fille dans le tableau de 32), du bon chez les épéistes (Saillant du PUC 16ème, Poli du CSPSE 18ème). Je fais passer le mot auprès des filles des trois armes, très solidaires les unes avec les autres: il faut redonner confiance à l’équipe du fleuret dames, sous le coup de la contre performance de Victoire Marcaillou diminuée à cause d’une blessure et remplaçante dimanche (Victoire jouera un rôle fondamental auprès des filles et insufflera un air … de Victoire ;). Les cop’s de l’épée, lors de la finale de Chloé, Mahault, Julie & Kim, et les fleurettistes Malia, Valence, Marine jouent parfaitement leur rôle de supportrices. Leur attitude exemplaire tout au long du week-end, vaut pour nous toutes les médailles et les honneurs !

Dimanche est un autre jour. Au fleuret, Les filles de PARIS 1 ont un coup à jouer et une médaille de bronze acquise l’an passée à remettre en jeu, et pas gagnée d’avance. Transparente lors de l’épreuve individuelle, Suzanne montre tout au long de la journée un orgueil de championne, une combativité phénoménale. Charlotte a oublié sa performance de la veille. Cécile, sérieuse, concentrée et disciplinée, se met au niveau de ses équipières. Les filles expédient leurs deux premiers matches (36-11, 36-15) sans faire preuve d’arrogance. Le chef d’oeuvre intervient au tableau de 8.

Les provençales, Vasile, Baila, Lauria sont redoutables sur le papier. L’équipe du sud, a des allures internationales : la marseillaise Clarice Baila est accompagnée d’une tireuse italienne, Maria Vittoria Lauria, et d’une fleurettiste roumaine, Alecsandra-Karina Vasile, victorieuse de la Fête des Jeune 2017. Les étrangères et étrangers sont autorisé.e.s à participer à l’épreuve individuelle, ce qui fait de la Fête des Jeunes un championnat national unique, ouvert sur le monde. En bout de piste sur le banc, pour accompagner ces trois jeunes filles, une figure historique de l’escrime internationale y est assise : l’italien Giulio Tomassini, ancien entraîneur de la Nazionale italienne, et des légendes du fleuret Giovanna Trillini & Valentina Vezzali, multiples championnes du monde et olympique. Le “maestro” entraîne désormais dans le Vaucluse pour l’Association d’Escrime Avignonnaise, avec une passion et une science intacte. Ce chemin de retour vers les jeunes en dit long de la modestie du champion, capable, une fois tous les titres remportés, de retourner vers la formation et l’apprentissage.

Tu fais pas le poids face à moi!

Confiantes, les filles se subliment. Suzanne neutralise la jeune transalpine (4-2) lors du dernier relais. Cécile étouffe Baila (7-0); Charlotte fait également le boulot (4-4 contre Baila) puis brille (4-2 contre Lauria) après un accroc contre Vasile (1-7). Bruyant et tout en applaudissement près des barrières, je m’arrête quelques secondes pour observer le match de Cécile contre Vasile, perdu au score (5 touches à 4), mais gagné dans l’esprit du relais.

Plus tard dans la journée, je me tourne vers Cécile:

“-Hé tu as gagné la ‘championne’ de 2017.
– Bah, non j’ai perdu : 5-4 !
– Mais tu as gagné le relais en marquant tes 4 touches, et l’arbitre a demandé de vous saluer et de passer à la suite. Donc tu as gagné l’assaut”.

Paradoxe de la relève par équipes, où l’escrimeur.se doit tout faire pour donner l’avantage et marqué de 4 en 4 ou de 5 en 5, les touches pour que l’équipe arrive à 36 ou 45. Paradoxe d’un sport, individualisé à l’extrême, où la leçon collective tient une place fondamentale, et où la culture du match par équipes est tellement appréciée et savourée, dès le plus jeune âge. Paradoxe du combat au fleuret, où il faut être capable d’accepter d’être touché pour toucher, de prendre le risque d’être pris pour attaquer, de donner sans compter pour atteindre son but. Cécile, au delà du score, avait alors l’attitude parfaite, dans ces instants rares où tout fonctionne, suspendus dans le temps, remplis de rage et d’émotion.

Battues lors de la demi-finale, les parisiennes terminent leur parcours avec la médaille de bronze de la N1 autour du cou, comme lors de l’édition 2017. Je fais remarquer aux capitaines de Paris, que le podium dames est parfaitement identique au résultat de l’Inter-Ligue il y a deux semaines : CRETEIL 1 1er, IDF OUEST 1 2ème, & PARIS 1 3ème. Joli clin d’oeil, pour une domination francilienne impressionnante !

Les fleurettistes parisiennes sur la 3ème marche du podium
(en compagnies des Lyonnaises, 3ème ex-aequo)

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Du côté des garçons, Rayan avait à cœur de se remettre en jeu lors des matches par équipes. Connaissant bien le fair-play et la classe du jeune homme, il ne s’agissait pas d’une “revanche”. L’esprit de contestation ou d’allure négative, ne font pas partie de l’arsenal du jeune franco-cubain, dont les valeurs collent de manière si admirables aux nôtres. la ‘Maestra’ Donatella a la lourde tâche de faire bien fonctionner l’équipe, composée de Tam & Sadio du CEP, de Stanislas de la Tour d’Auvergne, et de Rayan, qu’elle connaît déjà si bien. Le premier match contre les Lyonnais 2 (BLANC Gaspard, DE BELVAL Jean Baptiste, JOCTEUR MONROZIER Henri, PRORIOL Hugo) est dominé de peu par les Rhôdaniens (36-28). Maigre consolation sportive pour nos parisiens, reversés en N3, leurs adversaires remporteront la finale N2 contre l’équipe de la Côte d’Azur. Réaction attendue et confirmée lors du match suivant, où nos amis battent les languedociens 36 touches à 20. Nerveux, ils terminent leur parcours au tableau de 16 contre Franche Comté (BOBILLIER Clement, GIRARDOT Emilien, SICARD Emilien, RVIDAL Louis) battus de peu 36 touches à 29. Une très honnête 21ème place acquise par l’équipe de “Capitaine Dona” et Rayan Sadli, dont l’attitude sur et en dehors de la piste peuvent le rendre très heureux de son parcours cette année. Au delà du résultat, tout comme sa camarade, nous sommes fiers d’avoir dans nos rangs des jeunes d’une telle valeur, beaux sur la piste, respectueux des règles et des adversaires, allant de l’avant en se remettant en question, acceptant avec humilité leurs échecs et leur succès.

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Maître Eddy Patterson avait la mission d’amener PARIS 1 vers les sommets. Une performance qu’il a failli atteindre avec son équipe, vaincue par seulement 2 touches d’écart en 1/2 finale de la N1, battus par LYONNAIS 1 (FOURNIER Noe, LARDY Gautier, RUIS Marceau, SPICHIGER Adrien, finalement vainqueurs de la compétition). D’abord largement meneurs (20 touches à 8), les parisiens perdent le fil du match suite à la désormais célèbre (de plus en plus en escrime !) “remontada” du vice-champion individuel Adrien Spichiger, vainqueur de son relais 15 touches à 4 contre Neil Abidi. Le coup est rude pour les jeunes, mais aussi pour le Maître Eddy, que je tente de réconforter à la fin de la compétition. Ancien compétiteurs de haut niveau, mes collègues Maître Eddy & “Dona” étaient venus pour gagner ! Tourné aussi vers la “gagne”, je leur assure que nous avons remporté ce jour là bien plus que deux médaille de bronze.

Thomas Fioretti

 

Tous les résultats sont disponibles sur : http://evenementsescrime-ffe.fr/fdj/competition/resultats/

Remerciements : 
Famille François, Famille Sadli.
Le Cercle d’Escrime d’Henin-Beaumont et ses bénévoles, pour l’accueil et l’organisation du tournoi. Un grand merci à tous les arbitres, sans qui l’organisation des compétitions d’escrime n’est jamais possible

Les escrimeuses & escrimeurs parisiens, les jeunes sportifs venus se battre avec courage lors de cette épreuve.
Les jeunes partenaires d’entraînement de Cécile & Rayan, qui ont contribué à leurs excellents résultats ces derniers mois.
Aux Maîtres & éducateurs qui encouragent chaque jour la formation des jeunes.

Crédits photos : Christophe Blanquart, avec l’aimable autorisation de la FFE; Didier François, Eddy Patterson Betancourt