Week-end volcanique pour le CEFC

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Alors qu’une partie du CEFC était en sortie au Challenge International de Paris, j’accompagnais les M17 Cécile François et Rayan Sadli au Circuit National “Élite”, organisé par le Stade Clermontois. Au pied des volcans d’Auvergne, le chemin vers les cimes demande patience et effort…

Il est 7h lorsque nous nous donnons rendez vous devant le Collège Gambetta, de là où Didier, le papa de Cécile, va prendre la route pour nous mener jusqu’au centre de la carte de France. Dans un épais brouillard, c’est un début de matinée bien silencieuse, où règne le calme des trajets aux aurores. A l’arrière du véhicule, le repos de nos jeunes avant l’entrée dans l’arène est bercé par le ronron du moteur sur l’autoroute. Sur le trajet, je prends des nouvelles de mes compagnons d’armes présents dans les gradins de Coubertin pour assister à la Coupe du Monde de Fleuret. Dans la journée, le téléphone du coach va vibrer au moins autant que l’entraîneur lui-même devant les assauts.

On est prêts à faire du bruit pour Carlos, j’ai apporté un drapeau de l’Espagne” me signale Pablo Rey.

Revivez les matches de LLavador sur la piste jaune, lors du Challenge International de Paris 2019 ! https://www.youtube.com/watch?time_continue=4&v=5_k8_ct9fnk

L’ambiance de la Coupe du Monde s’annonce explosive. Mon regret de ne pas assister au CIP va être pondéré par l’agréable sensation d’être porté par tout un club. Nous recevons beaucoup de marques de soutien, de courage et d’affection durant la journée. Dans un sport où chaque touche compte, où chaque match remporté est une fierté et un accomplissement, les mots des parisien.ne.s nous électrisent et nous rassurent pour aller plus loin. Le courage des camarades d’armes a du sens tout au long d’un week-end qui pourrait paraître interminable pour des jeunes de 15 ou 16 ans, à l’âge où l’exigence des parcours scolaires ressemblent à s’y méprendre, à ceux des combattant.e.s

Carlos gagne 15-13 son premier match

Les nouvelles sont bonnes du côté du 16ème arrondissement où notre cher ami espagnol franchit, non sans difficulté, le premier tour. Il faudrait évoquer un jour, plus longuement, ce qu’implique pour un athlète l’entrée dans une compétition d’escrime, la tension que génèrent les matches d’ouverture, le saut dans le vide qu’ils représentent. La nervosité des deux adversaires, qui se retourne selon les circonstances contre l’un ou l’autre dans l’opposition qui s’ensuit, peut vous donner des ailes ou vous couper les jambes. La réelle victoire se joue dans ces moments d’abandon et de don total de soi, ce qui rend si belle et si fragile notre discipline.

Lors de l’arrivée dans l’immense Maison des Sports, il faut prendre ses marques. Je fais le “tour du propriétaire” en compagnie de Rayan, qui dispute son premier “Clermont”. Cécile, venue sur la pointe des pieds l’an dernier, est cette fois ci plus à l’aise dans les allées du stade. Prévue pour 16h, c’est pour elle l’heure de la détente avant le début des poules, avec les copines Valence & Charlotte. Son jeune camarade, comme sur ces épreuves où les garçons sont très nombreux, ignore encore si il va démarrer son tournoi à 14h ou… 16h. Je suis soulagé de le voir inscrit dans la première vague des poules. Le temps d’attente est l’ennemi de l’escrimeur.se. Ces longues plages de suspensions laissent la place à la gamberge, aux interrogations, et aux matches fantasmés, disputés dans la tête avant de les réaliser sur la piste.
Le premier combat, disions nous, c’est le plus dur à passer ! Le gaucher espagnol a franchi l’obstacle Porte de St Cloud, mais pas l’accrocheur “franco-cubain”… Battu 5-4 d’entrée sur une touche discutable, les débuts sont décevants. Pas démuni, Rayan va finalement accrocher 2 victoires, annonciatrices d’un tableau potentiellement compliqué, mais aussi porteuses d’espoir au vu des circonstances (2 défaites 5-4 qui auraient pu transformer la feuille de stats…)

L’entame est plus sereine pour Cécile : une victoire autoritaire 5-1. Elle va y ajouter 1 défaite et 3 victoires supplémentaires. Un forfait, sur abandon, pour la malheureuse lyonnaise du Masque de Fer Maëlle Moreau (à la dernière touche de son dernier match !), la prive d’une précieuse victoire supplémentaire pour le classement. Un micro-événement, qui ne lui posera pas de souci au moment de valider son passeport d’entrée dans le tableau principal du dimanche : une victoire 15 touches à 9 contre la Montpelliéraine Godfroy. Un petit clin d’oeil à l’année passée, encore, où elle s’était retrouvée du mauvais côté de la barrière, battue par Emma Gaborit… sur un score absolument identique.

Affrontant le 89ème du classement, je dis simplement à Rayan qu’il n’a pas grand chose à perdre et qu’il doit simplement de pratiquer l’escrime qu’il aime, afin de vivre sans regrets, la tête haute, quoi qu’il arrive. Plus facile à dire qu’à faire. Plus simple à énoncer qu’à vivre. Quand on a 15 ans et qu’on a la “garra”, comme celle du CEFC, on ne parcourt pas 800 km en un week-end pour s’avouer vaincu. Mais je me trompe dans la formule. Le regard de Rayan n’est pas celui d’un escrimeur qui n’a rien à perdre : c’est la mine ferme et fermée d’un jeune homme bien décidé à se “dépouiller” pour passer l’obstacle. Pour le dire de manière plus forte : la résignation ne fait pas partie de notre ADN; être prêt à perdre pour gagner un jour , c’est l’âme même du CEFC. Il suffit de quelques touches pour faire résonner le stade de son premier cri libérateur. Une telle détermination vient de loin, de la part d’un jeune homme aussi avare en paroles que généreux sur la piste et en dehors. Victorieux 15 touches à 6, en grande maîtrise, il signe sa première qualification dominicale en Circuit National.

Quelques minutes après la victoire de Cécile, escrimeur.se.s, coach et accompagnateur, vivent un moment de douce euphorie, contrarié par les larmes et le désarroi de la pauvre petite Valence, éliminée après la première journée, mais consolée par Cécile. Malgré tout, la soirée s’annonce aussi agréable que le climat auvergnat du soir.

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Notre objectif nous a fait (un temps) oublier les joutes mondiales parisiennes. Les Sms se font plus rares, et c’est mauvais signe pour Carlos. Il est effectivement battu au tableau de 32 par le japonais Saito. 18ème au final, il reste cependant à la même place au classement mondial, et peut ainsi espérer de belles choses pour la fin de la saison. Brillant tout au long du tournoi, l’Italien Alessio Foconi “bisse” et remporte un exceptionnel doublé, comme l’avaient fait avant lui l’Allemand Benjamin Kleibrink (2006, 2007) et l’Américain Race Imboden (2015, 2016).

Les matches du CIP, du tableau de 64 jusqu’à la finale, sont visibles sur la Chaîne Youtube de la FFE

https://www.youtube.com/watch?v=MpHvLOAKkPo&t=1323s

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Dimanche, arrivée sur place à 8h, un peu avant le début de la compétition. Les sourires ne sont plus de mise. La tension est cette fois plus importante. Enchaîner un deuxième jour intense de sport n’est une habitude pour nos cadet.te.s. La route s’élève, l’oxygène se fait plus rare, comme au vélo. Pas de victoire pour Rayan durant les 3 premiers matches, idem pour Cécile. Le fin gaucher est en colère contre lui même, et ce n’est pourtant pas le moment. Dans l’autre salle, à l’autre bout de la maison des Sports, c’est plutôt la déprime pour sa camarade. L’heure n’est pourtant pas à la morale, mais au contraire au discours d’inversion des tendances : ne rien lâcher, et transformer cette colère en rage de vaincre, la tristesse et le spleen en feu d’artifices. Parfois rien ne marche, et Rayan confondra rage de vaincre et rage tout court. Et il arrive que le déclic attendu arrive, au moins un temps, puisque Cécile arrache, grâce à deux victoires salutaires, la qualification pour le “grand tableau” de 64. Battue par l’excellente Sabine Teaca (Alençon, 8ème de la compétition), la jeune franco-cubaine apparaît un peu frustrée de sa journée et de son résultat final.

Au delà des chiffres bruts, le CEFC peut être fier de voir ces jeunes gens se battre, à armes égales, dans le grand bain des habitué.e.s, des routiniers des week-end de piste. Leur fraîcheur et leur naïveté ne leur suffit peut-être pas encore à atteindre les sommets des classements, mais construit et affirme leur caractère, petit à petit. “Hasta la Victoria Siempre” me glissent les Maître.sse.s Dona & Eddy, pour conclure. On peut mettre une touche seulement si l’on a conscience de pouvoir peut-être être touché. On ne peut gagner un match à l’avance qu’en sachant qu’on peut aussi le perdre. Le jeu en vaut la chandelle, et nos deux espoirs le comprendront sans doute un jour, avec le temps.

Thomas Fioretti

Résultats :
Samedi 12 janvier, Pré-tournoi
Cécile François : 3 Victoires 1 Défaite au 1er tour de poules; 35ème après les poules. Victoire au tableau de 128 contre Lucile Godfroy (Montpellier UC). 35ème à l’issue des qualifications sur 127 (Qualifiée pour dimanche)
Rayan Sadli : 2 Victoires, 4 Défaites au 1er tour de poules; 168ème après les poules. Victoire au tableau de qualifications 15 touches à 6 contre Alexandre Ecotiere (Angoulême). 127ème à l’issue des qualifications sur 241 (Qualifié pour dimanche)

Dimanche 13 janvier, Circuit National Élite
Cécile François : 2 Victoires 4 Défaites au tour de poules; 52ème après les poules. Défaite au t.64 contre Sabine Teaca 15 touches à 5. Elle termine 52ème sur 70 du Circuit National.
Rayan Sadli : 1 Victoire 5 Défaites au tour de poules. Éliminé après les poules. Il termine 118ème sur 133 du Circuit National.