Et la vie continue

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Lorsque les jeunes ados et enfants du CEFC disputaient, les 7 et 8 mars dernier, aucun⋅es d’entre eux avaient en tête de disputer leur dernier tournoi d’escrime avant un temps indéterminé. Les annonces successives des autorités sportives et sanitaires du pays, ont sonné, depuis le 13 mars dernier, un arrêt brutal, mais nécessaire des activités sportives. A l’aube de la crise qui frappe l’ensemble des habitant⋅es de la planète, le CEFC avait démontré ce qu’il sait faire de mieux : sa cohésion sociale et sportive, sa forte capacité, lors des rencontres par équipes et le courage de ses compétitrices et compétiteurs. Petit tour de piste, en attendant les grandes retrouvailles.

La rentrée sur les pistes, après les vacances d’hiver, paraît, à l’heure où nous écrivons ces quelques lignes, un temps encore léger où l’école, le travail et les entraînements d’escrime redevenaient la petite habitude. Journée exceptionnelle en année bissextile, le samedi 29 février 2020 devait réserver son lot de surprises, la suite logique d’une année qui a petit à petit perdu la tête.

Ce jour-là, plusieurs générations de fleurettistes se retrouvaient sur la piste. Le CEFC n’a pas ménagé ses efforts pour motiver filles et garçons à aller à la bagarre. En ce début d’épidémie, tout le monde ou presque commence à “se serrer les coudes” mais on se serre encore la main à la fin de l’assaut. Ce jour-là, les esprits les plus joueurs espèrent encore tirer profit d’une compétition par équipe : du plaisir chez les grand⋅es, un rêve de qualification nationale au soleil du sud pour les jeunes.

Les garçons vont vivre une compétition compliquées : les équipes séniors de Florent, Ruben et Thomas P. et de Matthieu, Nils et Gatien vont tomber sur plus “costaud”. Malgré l’appui de la maestra Donatella, aux côtés de Sara et Agnieszka, mais sans Mariore, clouée au lit avant l’heure, l’équipe des dames s’avère tout aussi impuissante contre la Tour d’Auvergne et le SCUF.

Thomas Pioger, toujours à l’affût !

Chez les cadets, c’est l’équipe des garçons qui ouvre le bal. L’arrivée au gymnase est tardive et la place manque en arrivant sur place. Échauffés à la hâte dans les couloirs du gymnase, Rayan, Gaspard et Sekou sont cueillis à froid par une homogène équipe de BLR92. Frustrés par des décisions arbitrales surprenantes, les garçons se reprennent et battent sur le fil 45 touches à 44 une deuxième équipe de BLR92, avant de s’incliner à nouveau contre St Germain en Laye, non sans avoir lutté jusqu’au bout. La compétition individuelle du lendemain sera plus difficile, mais c’est déjà une autre histoire. La satisfaction d’avoir travaillé la cohésion et montré ce que chacun était capable de faire l’emporte sur les déceptions individuelles.

Ce jour-là au gymnase Elisabeth, les générations se croisent, se soutiennent. Chacun est dans sa bulle, mais la compétition est rude, pour peu qu’on manque un peu de métier. Alors, le soutien des aîné⋅es est toujours le bienvenu ! Le temps d’une photo, on réunit les équipes féminines. Les “jeunettes”, vaincues mais vaillantes contre les filles de Melun, puis battues 43-45 par une belle équipe de St Germain en Laye pour jouer la 5ème place. Ensemble, elles font preuve de courage et découvrent en chacune d’elles des ressources insoupçonnées, notamment Loreline et Lilou, remarquables de bout en bout du tournoi.

Maestra Donatella, Loreline, Cécile, Sara, Lilou, Agnieszka

Encouragées par leurs jeunes camarades jusqu’à la tombée de la nuit, c’est une à une que les maestros vont chercher les déçues et épuisées compagnes d’armes du CEFC et du club de Sèvres, pour se mettre d’accord pour un match pour du beurre entre les deux équipes, déjà éliminées de la course à la qualification. Sèvres l’emporte, mais l’essentiel est ailleurs. Filles et garçons repartent d’Elisabeth, épuisé⋅es, riches d’une expérience collective supplémentaire, réunissant des jeunes gens d’horizons et de tempérament différents, autour d’une envie de gagner en chœur, en cœur. On passe beaucoup de temps à expliquer ce qu’est la victoire, pour parfois l’effleurer. On en prend parfois un peu moins pour regarder en face la défaite, et le poids qu’elle pèse au quotidien. C’est pourtant dans le sillon des matches perdus, des décisions contestables, des actions en l’air et ratées, que se creusent les grandes victoires. Toutes ces jeunes athlètes resté⋅es jusqu’à la tombée de la nuit pour supporter le poids de ces réflexions sont sortis grandi⋅es d’une ligne morale et pas d’un palmarès.

équipe & entraîneur : Loreline, Lilou, Cécile, Thomas & Aida
Paroles de coach
Sekou, Agnieszka, Aida (cachée par Agnieszka), Gaspard, Lilou, Thomas, Loreline, Cécile, Rayan, Maestro Eddy

On dit qu’une bonne performance collective peut parfois transformer les tireur⋅ses ordinaires vers des hauteurs qu’ils n’espéraient peut-être pas atteindre seul⋅es; qu’elle tend à inciter les individualistes à davantage de don de soi et de générosité. 9ème le lendemain, à l’occasion du Championnat Ile-de-France M17, Aida peut profiter du confinement pour mesurer tout le bénéfice de ce que lui apporte le travail de groupe et l’entraide des camarades de club.

Samedi soir, la tête de la jeune tireuse bouillonnait et la lucidité l’avait abandonné. Dimanche matin, c’est une tireuse concentrée et impressionnante de calme et de précision qui s’est frayée un chemin jusqu’au tableau de 16. La “grande petite” Aida, privée de grand 8 à une riposte près, était à une touche de réaliser une performance majuscule. Mais son parcours lui permet tout de même d’apparaître cette fois ci dans les 10 meilleures M17 d’une compétition Régionale, et dans le classement des meilleures parisiennes d’une catégorie qui n’est même pas la sienne.

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Une petite semaine plus tard, c’est au tour des M15 de tenter l’aventure collective. Avant de partir pour la compétition, nous recevons la visite surprise des adultes revenu⋅es avec le sourire de la “matinée loisir”, avec une belle 3ème place pour Simon au fleuret, et surtout des tireur⋅ses présenté⋅es dans les 3 armes !

Les “gainés” du lundi, Laure & Thierry, ont dégainé leur pointe pour quelques duels !

Pointe vers le bas mesdames et messieurs ! Des enfants nous lisent et nous regardent ! 😂

Dimitri & Simon n’hésitent pas à échanger les armes et troquer leur tenues et leurs surfaces valables. Joueurs, qu’ils soient au sabre, au fleuret ou à l’épée, le dénominateur commun reste le plaisir de l’escrime !

Simon a sabré le Perrier

L’occasion de ces rencontres, est aussi de s’initier à l’arbitrage. Le jeu en vaut d’autant la chandelle, lesté du poids du résultat et de la pression du classement, il s’exerce dans l’esprit courtois et dans une approche constructive.

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Le même jour, sur le coup de midi, c’est l’heure du départ groupé des jeunes depuis le collège Gambetta, où Maître Eddy & Thomas ont donné rendez-vous pour un ralliement. Les trajets sont propices aux bavardages, on se raconte mille fois histoire, on écrit les matches, avant et après la compétition et biens d’autres histoires de jeunesse, avant de les vivre.

Alois, Pablo, Solveig, Astahan, Aida, Lilly, Rayan, Camille,Théodore, Adrian, & Maestro Eddy

L’expérience collective s’avère encore plus cruelle une semaine plus tard, sportivement, pour nos troupes. Les “petit.es” équipes M13 surclassées, composées de Camille, Céleste et Lilly, Astahan, Théodore & Yal ne comprennent pas du premier coup, au vu de leurs places en fond de grille, qu’ils sont présent⋅es pour apprendre et “s’entraîner” dans une catégorie qui n’est pas la leur. Le coup est plus rude à encaisser pour Alois, Adrian, Pablo et Gaspard, rapidement balayés, démunis ce jour-là d’atouts forts et d’esprit de révolte.

Sans victoire, les garçons vexés ne traînent pas dans le gymnase, alors que rencontres des filles s’achèvent au crépuscule. Battues et combatives , littéralement et pratiquement surclassé⋅es, les ‘inséparables’ ne perdent pourtant pas le sourire, une fois les matches terminés. Les rencontres en 36 touches étaient pour la plupart des jeunes une première vraie expérience compétitive. On pourra travailler mille fois les actions, répéter indéfiniment nos gammes, la cohésion et les collectifs se cimentent dans ces moments de joie et de dépassement, où les destins sportifs se lient les uns aux autres.

De la préparation à la baston, le groupe montre, tout au long de la longue après-midi, vaillance et persévérance : dans les gradins, Camille se prépare avec le sourire; sur la piste, Paloma exécute ses premiers coups droits gagnants et Solveig présente sa pointe et sa détermination. Non loin de là, contre les filles du SCUF Céleste, passe à l’attaque !

(Crédits photographiques : Brigitte Sombié)

Un mot sur deux premières fois : sur la pointe des pieds, mais avec tout son courage, le jeune Adrian possède l’écoute et la réserve des travailleurs discrets. L’avenir récompensera sa patience s’il persévère et revient à l’exercice. Tout comme Paloma, il s’offrait le privilège de débuter la compétition en fanfare : en découverte et en apprentissage, mais pas en observation, impressionné⋅es par l’opposition, mais rassuré⋅es par le soutien et l’amitié de leurs équipier⋅es et la présence des Maîtres d’Armes. Les larmes versées par la grande escrimeuse du groupe M13, se sèchent assez vite, soulagée par la téméraire Aida et de la persévérante Solveig, qui a la lucidité de lui rappeler qu’elle ne doit surtout pas encaisser les coups toute seule. Comme la semaine passée, les compétitions se terminent en début de soirée. Eddy & moi tentons de prolonger la fête : nous ramenons la troupe dans le XXème arrondissement et on improvise un goûter tardif dans la tisanerie du commerce en face de la salle d’armes. Sans savoir que tout allait être mis sur pause une semaine plus tard, le temps s’étire et l’on s’étonne alors de la résistance de ces courageux jeunes gens.

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Dimanche 8 mars, deux jeunes garçons avaient également décidé d’aiguiser leur tranchant et de s’aguerrir au contact des sabreurs franciliens : voici Vadim & Pierre !

Vadim & Pierre, escrimeurs M15 du mercredi au sabre

Les deux tours de poules sont riches pour Vadim et Pierre, qui remportent leur premières “V” en compétitions. Une ou deux victoires auraient peut-être parues bien maigre en saison compétitive. Elles ont au contraire valeur de trésor. D’ici quelques temps, elle réchaufferont les cœurs rien qu’à les évoquer.

Après la bataille des pirates, à peine le temps d’un petit sandwich que débarquent déjà les cavalier.es M11 puis M9 pour l’entraînement des jeunes. Lors de l’échauffement collectif des franco-cubain, les escrimeur⋅ses occupent l’espace, sur toute la longueur d’une piste ! “Ha mais c’est une armée ! me fait remarquer mon collègue du Racing Club, Keivan Javanshir. Au CEFC, les groupes nombreux exigent des éducateurs une attention portée à tous, à tous les instants, et une discipline sans faille pour la progression individuelle. Les élèves n’oublient pas leur premiers devoirs, qui pourraient figurer sur un imaginaire “livret des valeurs du CEFC” : apprendre, s’amuser, s’accrocher.

Un groupe M11 soudé et discipliné, une véritable école d’escrime

La rencontre propose son cocktail habituel : un lot de quelques touches et matches remarquables, de rires et de coups rudes, et de grosses défaites et des premières désillusions. Le contraste le plus marquant sera les après midi respectives de Gabriel & Robin, aux étoiles contraires. Sonné d’entrée par des coups malheureux, Gabriel finira médaille autour du cou, tandis que Robin, sera injustement privée de la sienne suite à un arbitre étourdi trop émotif pour voir une riposte pourtant évidente à 5-4. Pleurs et déceptions comprises, l’apprentissage des jeunes escrimeur.ses, mais aussi des jeunes arbitres, vaut bien plus cher, que que leurs futurs classements.

les M11 Robin, Aidan, Otto, Eliot, Nils, & Gabriel
Tous réuni⋅es pour le dernier match du compagnon d’armes !

Les M11 ont croisé les “grands” avant à leur tour, de disputer leur parcours du combattant (2 tours de poule !). Tous pu apprécier, sans le savoir leurs derniers touches avant un moment! Leur bon comportement, à l’issue d’une longue après midi, a été très apprécié des Maîtres d’Armes, C’est davantage sur cette note d’optimiste et résolument tournée vers l’avenir, que sur un ton déjà nostalgique, que notre pépinière vous salue !

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Le monde entier a mis pause sur l’univers sport : Jeux Olympiques & Euro de football décalés, compétitions d’escrime reportées, évanouies, annulées… Le temps perdu est perdu, les armes du CEFC sont au placards, les appareils d’escrime dans les valises, mais pas notre histoires, en écriture perpétuelle. Confiné⋅es à domicile, on espère continuer à vous les transmettre le plus longtemps possible.

Thomas Fioretti

Cette article est dédié à l’ensemble de nos adhérent.es en ce début de période extrêmement particulière. Un grand merci à Brigitte Sombié pour les photographies qui ont accompagné cet article !