Zone IDF H2028 M15 : une touche est une touche !

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Les jeunes escrimeuses & escrimeurs franciliens m15 avaient rendez vous dimanche 28 janvier 2018 dans la grande enceinte de la Halle Carpentier (Paris 13ème), du nom d’un célèbre boxeur, et connue pour avoir accueilli de nombreux combats de boxe.

Du combat, il promettait d’y en avoir avec 9 CEFC sur la ligne de départ, moins deux forfaits de dernière minute, Ewan Choteau (dos en vrac) et Maxime Spanoudis, malade. Nos cinq chevaliers étaient réunis et solidaires pendant l’échauffement. Sekou, novice à ce niveau, Sean Finn, Rayan, Elouan & le jeune surclassé Gaspard, étaient ensemble, puis éparpillés dans différentes salles, chacun sur leur poule. Présents aussi en équipes, les Maîtres du CEFC, Donatella, Eddy, & Thomas se répartissent les deux salles principales. Je me dirige donc vers l’annexe, un igloo en comparaison de la surchauffe de la grande salle. J’enclins directement Sekou & Gaspard à courir avant les matches, et de rester actif entre temps pour ne pas se transformer en glaçon. Rien n’y fait pour Gaspard, gelé par ses adversaires (0 victoires). Sans réaction, usé par l’enchaînement des tournois, le “p’tit” M15 sort au 1er tour de tableau. Sekou, lui, est rapidement dedans. Auteur de 2 victoires à chacune de ses compétitions de Ligue, le jeune escrimeur est toujours combatif, à défaut d’être le meilleur ! Motivé par la gagne, il signe 1 victoire en poule d’une grande valeur dans ce niveau régional. “Gaspard, ne mange pas à midi. Pour avoir faim au tableau !” lance t-il, un brin chambreur, à son voisin du CEFC après la poule. Un conseil qu’il appliquera sans peine à lui-même, mais qui, hélas, ne lui évitera pas la sortie de route au tableau… pour une touche seulement (battu 10 touches à 9 par Matteo Bonnet, BLR92)

Dans l’autre salle, les résultats sont plutôt contrastés. Du tout bon pour Rayan (5V 1D), du bon pour Sean Finn (2V 4D, dont une défaite 5-4), et du…r dur pour Elouan, hélas plus spectateur qu’acteur. Les belles qualités techniques du plus tendu des “franco-cubains” finiront par s’exprimer un jour ou l’autre ! A l’exception de Rayan, exempt du 1er tour et vainqueur du t.128, le tableau est impitoyable pour nos M15. Défait 10-6 par Adrien Helmy-Cocoynacq, Rayan, meilleur CEFC du jour termine 44ème, et selon toute vraisemblance qualifié pour la 1/2 finale nationale du 25 mars à Hénin-Beaumont.

Chez les filles, nos trois habituelles petites guerrières sont présentes et s’échauffent ensemble dès leur arrivée. La courageuse double surclassée Aida (2006), la non moins courageuse Sasha, et l’habituée des sorties dominicales, Cécile François.

Y a du monde…” me murmure Sasha entre deux touches d’échauffement. La présence, en plus des fleurettistes, des épéistes parisien.ne.s et francilien.ne.s, n’y est pas étrangère. Fort heureusement, une compétitrice ou compétiteur d’escrime ne se bat pas contre tous les présents. Maître Eddy & moi tentons de rassurer Sasha avant et après, qu’au maximum, la jeune fille va faire 5 ou 6 matches en poules, puis attendre le tableau d’élimination pour connaître sa future adversaire.  “Mais j’ai mis deux touches !!” me lance t-elle, dans un curieux mélange d’abattement et d’agacement à la fin de sa poule. Je tente une riposte : “Sasha, une touche est une touche ! tu es là, avec tes armes, un dimanche matin. Tourne ça en énergie positive! “. Frustrée et déçue par les défaites en poules, nous encourageons Sasha pour qu’elle s’exprime et parte de la compétition sans regret. Ce qu’elle fait avec brio en étant au contact à la pause (5-3; puis 10-3 score final). Son adversaire n’aura pas pu se réjouir trop longtemps, sortie sans coup férir par Cécile 10 touches à 4 au tour suivant.

Pendant ce temps là. Aida encaisse. Littéralement. Physiquement, m15 est la catégorie où les enfants  commencent à “mettre la gomme”, à prendre du volume et de la force. Plus grandes, plus fortes qu’elle, Aida y va sans peur, mais aussi “la fleur au fusil”; ça passe, parfois, ça casse, aussi. Après 2 victoires en poules et de l’envie sur tous les matches, Aida sort au tableau de 64 la tête haute, battue par Hajar El Hams, une des premières du classement (7ème de la compétition au final.) Plus que bien.

Restait au t.32 notre dernière engagée du jour. Au moment de l’échauffement, on l’ignore encore, mais ce match va devenir toute une histoire. Un récit de sport à lui seul, comme on les aime et on les déteste. Diesel, on se demande comment notre jeune élève va se relever d’une entame aussi calamiteuse: menée 8-3, Cécile se retrouve au pied du mur, et va se réveiller hélas bien tard. Prise de risque après prise de risque, initiative après initiative, cri après cri, la voilà revenue au score. 9-9. Le hasard ne faisant décidément que trop rarement bien son travail, l’arbitre ajoute à la dramaturgie du match en n’accordant pas la parade riposte de Cécile, alors que l’opposante de Melun avait déjà ôté son masque pour saluer la victorieuse. Stupéfaites, les deux adversaires observent quelques secondes de tétanie. C’est la dernière touche. C’est juste une touche. Mais qui vaut tout l’or du monde. La lumière est simple: elle est verte, elle est cruelle. Le rideau tombe; hors de la scène, c’est l’incompréhension. Les mots, injustice, mérite, erreur, reviennent. Ils affluent et reviendront encore. Une autre forme d’incompréhension, avait privé de mots un autre CEFC, Rayan, dans une autre forme de stupeur, lors de la dernière compétition, sur une touche litigieuse . Une injustice vécue et exprimée différemment par chacun. Pourtant l’un comme l’autre, se sont montrés dignes et exemplaires dans la défaite.

It’s an unfair game” dit Billy Beane, le manager de la franchise de baseball des Oakland Athletics, interprété par Brad Pitt dans le film Moneyball (Bennett Miller, 2011). La réplique résonne dans ma tête quelques minutes après la défaite. L’art de pratiquer une escrime, parfois la plus juste soit-elle, se retrouve confronté à la réalité du match, à la touche près. Dans un sport où chaque point est capital, la logique comptable impitoyable se mêle au frisson et à l’incertitude de l’identité du vainqueur, parfois dans un sens, parfois dans l’autre. Se relever après avoir pris un tel crochet endurcit le perdant, et permet à nouveau de reprendre le chemin de la salle, pour rejouer sans cesse le moment où l’on s’approche de la touche de la victoire.

Thomas Fioretti.